Interview : Sekouba Kandia Kouyaté parle de l’Ensemble Instrumental de Guinée

Le fils de l’ex- chanteur guinéen, feu Sory Kandia Kouyaté, Sékouba Kandia Kouyaté artiste de son état, a accordé la semaine dernière à notre rédaction une interview exclusive. Au cours de cet entretien, l’artiste aguerri à la chose musicale s’est largement exprimé sur son nouveau double album qui sortira au mois de février, sa nomination à la tête de l’ensemble instrumental de la Guinée, les émérites musicaux de son feu Sory Kandia Kouyaté…

Africatribune.net : quelle est votre vision sur la culture guinéenne de façon générale ?

Sékouba Kandia Kouyaté : «  Vous savez que la culture guinéenne est très mosaïque. Notre culture a une place incontestable sur l’arène internationale.

Ce qu’il faut savoir ici depuis le début de l’indépendance jusqu’en 1984, la musique guinéenne était une référence dans la sous région Ouest africaine. Tous les pays limitrophes de l’Afrique s’inspiraient de cette musique guinéenne. Et tous ces artistes africaines qui ont eu une célébrité aujourd’hui, tels que Youssou N’Dour, Mory Kanté et autres  se sont tous inspirés de cette musique africaine de Guinée.

A cet fait, c’est parce qu’on se referait de la source. Aujourd’hui, avec la nouvelle génération, la technologie, cette musique guinéenne  a avancé mais au temps de nos papas en ce sens que la technologie n’était pas avancée.  Mais le travail était sincère et pur. Il n’y avait pas de tricherie, on travaillait avec une certaine endurance. Les artistes travaillaient comme des fonctionnaires. Nous-mêmes avions été éduqués sur ce chemin.

Si nous prenons les quatre régions de la Guinée, vous trouverez des qualités musicales différentes. Si vous venez vers le Fouta, c’est la mélodie pastorale, vers la forêt, c’est un autre rythme. En haute Guinée, vous avez aussi des mélodies différentes, comme le « Doundoumba ». En Basse côte, vous avez des rythmes très variés, comme yalés,  macouns et  yancadis. Ce sont des rythmes qu’on doit exploiter ».

Parlez-nous de votre carrière musicale et dites-nous le nombre d’albums que vous avez sur le marché ? 

«  Ma carrière, je l’ai commencée depuis à bas âge, il faut reconnaitre que l’homme suit son destin. Nous sommes des griots. Je suis de père griot et de mère griotte. Donc, je suis né griot.

J’ai commencé la musique en 1979 après la mort de mon père  avec le mouvement pionnier. J’ai intégré dans ce mouvement avec mon petit frère Kabi Kandia et mon oncle N’Faly Kouyaté. Depuis qu’on a intégré dans ce  mouvement, tous les jours,  on venait faire des répétitions.

On a eu une bonne formation avec  feu chef Ousmane OKA. A partir de là, il y a eu le festival international des enfants du monde en Bulgarie où j’ai été invité.

J’ai vu des enfants de mon âge, certains dont je suis plus âgé. Je me suis dit qu’il n’est pas trop tard  pour des hommes de bonne volonté.

A mon retour, j’ai formé un groupe avec mes amis, à savoir Doura Chérif, Fodé Baro et tants d’autres qui sont devenus des artistes célèbres Et, nous étions encadrés par Tabassy Baro et son ami Justin Morel junior.

Nous avons créé, nous avons utilisé des calebasses renversées dans l’eau. Cette forme musicale est aujourd’hui valorisée par le célèbre Salif Keita.

Mais, nous n’avons pas eu  la chance d’être suivis pour qu’on puisse évoluer cette forme de calebasse renversée. Mais en terme de reconnaissance, Justin Morel a beaucoup fait pour notre groupe, il nous a amené à la radio.

Nous avons pu enregistrer pour un premier début, la chanson Meriakora. On était avec Doura Barry qui étudiait à l’université de Mamou, il y avait Fodé Baro, mon petit frère Kabi et mon oncle N’Faly Kouyayé qui jouait la kora en ce moment et qui aujourd’hui, est devenu un grand joueur de kora, il réside à Bruxelles.

Les deux personnes Tabassy Baro et Justin Morel Junior nous ont encadrés. C’est à partir de là que tout est parti. Le nombre d’album, je suis sur le 11ème comme ça ».

Quel souvenir retenez-vous de votre feu père Sory Kandia Kouyaté qui a émerveillé le monde musicale en son temps ?

« J’ai plein de souvenirs de mon feu père qui m’a marqué dans ma vie. Vous savez dans la vie,  l’homme nait avec deux choses qu’il ne choisi pas. Si chacun avait son choix, peut-être que  tout le monde allait choisir d’être roi, président ou riche. On ne choisi pas le père ni la mère. On nait et les trouve.

Mais Dieu merci, je suis né d’un père immortel parce que l’homme meurt mais les œuvres ne meurent  jamais. Il a fait des œuvres immortelles qui vibrent encore dans le monde de la musique.

Il a eu une vie très courte. Il est parti à l’âge de 44 ans en laissant des œuvres éternelles et immortelles. Tout ce qu’il faisait, j’adorais. Même à son vivant quand j’écoutais ses chansons je pleurais parce que ça touchait mon âme, cela m’a fabriqué.

Ses chansons m’ont fabriqué avec la ligne qu’il a laissée dans la famille pour donner à ses enfants. Je suis fier de l’avoir comme père parce que c’était quelqu’un de bien ».

Récemment vous-avez été nommé par le ministère de la culture, des sports et du patrimoine historique comme le Directeur Général de l’ensemble instrumental national de Guinée que d’ailleurs votre feu père a géré à un moment donné, quelles sont vos impressions et qu’est-ce que la Guinée pourrait  s’attendre de vous ?

« Je remercie tout  d’abord le ministre de la culture, M. Bantama Sanoussy Sow qui a eu l’initiative de me nommer comme directeur par rapport à l’histoire, par rapport à la déontologie de la culture guinéenne.

L’ensemble instrumental a pour objectif de valoriser les instruments traditionnels du terroir. Les chansons traditionnelles du terroir doivent être valorisées. Il faut signaler qu’à travers ces instruments traditionnels, la Guinée s’est taillé la part du lion dans le monde entier et elle en était devenue une référence.

Au temps de Sékou Touré, ex-président de la Guinée, un jour, l’ensemble instrumental s’est déplacé pour aller jouer à Dakar. Senghor était en vacance à Paris, quand il a appris que l’ensemble instrumental était venu jouer chez lui, il a pris son vol pour venir regarder uniquement le concert de l’ensemble instrumental.

Quand l’ensemble a fini de jouer, Senghor a dit à Sékou Touré: « Tu nous as dépassé en politique, voici une autre chose encore que tu nous as dépassé qui n’est rien d’autre  que la musique. J’ai connu la kora individuellement, j’ai connu le tamtam individuellement et tant d’autres. Mais rassembler tous ces instruments-là, les jumeler et en faire des mélodies est une chose dans notre monde musical ». 

Donc, à travers cette combinaison des instruments traditionnels,  la Guinée a été une référence en Afrique. C’est quand la Guinée a créé un ensemble instrument que le Sénégal  l’a aussi fait.

Donc, cet ensemble instrumental traditionnel qui a été créé en 1961,  était une arme pour la Guinée.

L’ensemble instrumental avait un rôle très important dans la société. Mais, tout récemment, il avait un problème de leadership. Moi, j’évolue en solo quelque part et le ministre a eu l’initiative de relancer l’ensemble instrumental en me nommant à ce poste dont je suis très fier et je pense être en mesure de le gérer comme ça se doit.

En tant que nouveau Directeur,  c’est une lourde responsabilité mais ce poste, nous pouvons l’exploiter  avec le concours de l’ensemble des artistes de la Guinée parce qu’un seul homme ne peut pas tout faire.

Je vous promets de revaloriser l’ensemble instrumental accompagné de l’actif de ma femme Sona Tata partout dans le monde entier ».

Parlez-nous de vos deux nouveaux albums dont l’un est traditionnel et l’autre  moderne qui doivent sortir au mois de février prochain ?

« Vous savez la vie, c’est un conflit de génération. Ma génération, nous sommes  avec des instruments modernes, on en a toujours amusé notre public.

Mais, à un certain moment, je me suis dit qu’il y a les valeurs de la musique traditionnelle. J’ai pensé à revenir au bercail. Elle est impérissable qui se résume dans cet album traditionnel.

La musique moderne, c’est un marché de concurrence. Aujourd’hui, il y a une nouvelle sonorité qui sort et qui fera danser tout le monde. Demain encore une autre sort, on n’oublie celle qui était dansée.

C’est comme les sonorités de 58 et celles de 2018, elles sont  nettement différentes. Mais, la musique traditionnelle, elle est immortelle et éternelle.

Donc, c’est la raison pour laquelle que j’ai fait ce deuxième album rien que traditionnel pour revenir à la source. Et, c’est pourquoi le nom de l’album traditionnel s’appelle ‘’la mémoire du futur’. L’avenir sort du passé.

Donc la musique moderne s’intitule ‘’Kouma’’ qui veut dire la parole. La parole qui arrange et la parole qui détruit.  C’est pour dire qu’avant de parler, il faut réfléchir qu’elle qu’en soit ta colère ou ta nervosité.

Dans cet album, J’ai profité pour faire chanter mon fils en français qui n’a que 12 ans. J’ai fait 4 ans sur l’album là ».

                                                                                 Interview réalisée par Ibra BARRY

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