Les précisions d’un juriste à propos d’un éventuel troisième mandat en Guinée

La question sur un éventuel troisième mandat en République de Guinée continue d’alimenter les débats entre guinéens et même au-delà de nos frontières.  La Rédaction du site « africatribune.net » a rencontré un homme de droit qui a apporté quelques explications sur cette question de mandature afin d’éclairer la lanterne de chacun et de tous. Lisez !

 

Africatribune.net: – Bonjour M. présentez-vous s’il vous plait à nos milliers de lecteurs.

MAOMY : Je suis Odilon MAOMY, Enseignant-Chercheur, chargé des cours de Droit dans des Universités à Conakry, membre du cadre de concertation de la Convention des Acteurs Non Etatiques de Guinée (CANEG), défenseur des droits humains.

– Que dit la Constitution guinéenne par rapport à un éventuel troisième mandat du chef de l’Etat ?

MAOMY : Je voudrais d’abord vous rappeler que la Constitution est le texte le plus sacré qu’un Etat puisse disposer et qui mérite tout le respect pour une stabilité politique et sociale. En effet, sur la question, il n y’a aucune possibilité dans la simple mesure où l’article 27 de la Constitution stipule clairement : «  Le président de la République est élu au suffrage universel direct. La durée de son mandat est de cinq ans, renouvelable une fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non ». Cela veut dire que cette disposition est une des plus pertinentes de notre Constitution. Sa formulation par le conseiller qui faisait office de législateur est plus étendue quand on la compare à l’article 6 de la Constitution française. Plus loin, dans chaque Constitution y compris la nôtre, figure ce qu’on peut appeler les intangibilités Constitutionnelles. Il s’agit bien des dispositions ou articles ou questions Constitutionnelles qui ne peuvent faire l’objet de révision. Parmi ces intangibilités, figurent le nombre et la durée du mandat du Président.

– La présidentielle guinéenne est prévue pour 2020, est-ce possible d’envisager une modification de la Constitution dans moins de deux (2) ans ?

MAOMY : Je crois qu’en lisant les articles 152 ,153 et 154, nous pouvons trouver les éléments de réponses à votre question. D’abord l’article 27 fixe les délais requis pour convoquer un nouveau scrutin présidentiel.

Pour répondre maintenant à votre question, il n’est pas défendu de réviser la Constitution, car par définition, la révision, c’est la modification d’une ou des dispositions de la Constitution, exception faite des règles intangibles tel que défini à l’article 154.

L’initiative de la révision de la Constitution peut venir, soit du président (Projet de révision) ou de l’Assemblée (Proposition de révision) et surtout, faut-il qu’elle présente des raisons objectives.

Exemple : les articles 29 et 100 méritent une révision Constitutionnelle, mais pas l’article 27. C’est mon avis.

Article 29 : Tout candidat à la présidence de la République doit être de nationalité guinéenne, jouir de ses droits civils et politiques, d’un état de bonne santé certifié par un collège de médecins assermentés désignés par la Cour Constitutionnelle et être âgé de trente-cinq ans au moins…

Article 100 : la Cour Constitutionnelle comprend neuf (09) membres âgés de quarante-cinq (45) ans au moins choisis pour leur bonne moralité…

– Pour modifier la Constitution guinéenne par exemple, qu’est-ce qu’il faut, juridiquement parlant ?

MAOMY : En Guinée, pour modifier la Constitution, juridiquement on doit obéir  aux articles 152, 153, et 154.

L’article 152 traite de qui peuvent prendre l’initiative, de la procédure en terme et de l’implication ou pas du peuple.

L’article 153 traite des conditions temporelles, c’est-à-dire les périodes pendant lesquelles on peut ou pas procéder à une révision.

L’article 154 nous rappelle des questions dont on ne doit pas toucher dans la révision en République de Guinée aujourd’hui à savoir,  la forme républicaine de l’Etat, le principe de la laïcité, le principe de l’unicité de l’Etat, le principe de la séparation et l’équilibre du pouvoir,  le pluralisme syndical, le nombre et la durée des mandats du président de la République.

– Quel est votre mot de la fin ?

MAOMY : Pour finir, si certains guinéens pensent qu’il ait possible de briguer un troisième mandat conformément à cette Constitution à l’Etat actuel, c’est qu’il serait possible de faire de la Guinée non pas un Etat laïc tel que défini dans la Constitution mais un Etat musulman ou chrétien dans lequel, on aurait comme le droit, la charia ou le droit canonique. 

                                                               Propos recueillis par H. Diallo

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